Lola Quivoron avec Rodeo, Lise Akoka et Romane Guéret avec Les Pires, Léa Mysius avec Les cinq diables, Houria de Mounia Meddour… Focus sur 20 films et réalisatrices qui vont compter à la rentrée automne – hiver.
Ces réalisatrices qui vont compter cet automne – hiver 2022 – 2023 ! Retrouvez ci-dessous 20 films de réalisatrices à découvrir en cette rentrée et ces prochains mois, de Léa Mysius avec Les cinq diables à Mounia Meddour avec Houria.
* L’article ne mentionne que des films prêts, en langue française, que la rédaction d’AlloCiné a pu voir. Classement par ordre chronologique de sortie.
Les cinq diables de Léa Mysius
Table of Contents
F Comme Film – Trois Brigands Productions
Mégane Choquet
Avec Amour et acharnement a valu à Claire Denis de recevoir l’Ours d’argent de la meilleure réalisatrice cet hiver au Festival de Berlin. Pour mémoire, la cinéaste a également été récompensée, au Festival de Cannes en mai dernier, pour son prochain film, tourné en langue anglaise Stars at noon.
Un film peut en cacher un autre…
Claire Denis n’était pas revenue en compétition à Cannes depuis 1988 ! Elle était de retour avec Stars at Noon, film en langue anglaise, avec Margaret Qualley (remarquée dans Once Upon A Time in Hollywood, et héroine de la série Maid sur Netflix) et Joe Alwyn (découvert dans Un jour de la vie de Billie Lynn, et actuellement au générique de la série Conversations with friends sur Canal+).
L’intrigue se passe dans les années 80, en pleine révolution nicaraguayenne. Stars at Noon raconte l’histoire de deux amants, pris au piège de ce pays pour différentes raisons que l’on va découvrir, et surtout pris au piège de leur passion amoureuse. On retient avant tout de ce film ces deux acteurs, dont l’association fait des étincelles. Margaret Qualley y est, comme toujours, magnétique. Joe Alwyn, qui remplace Robert Pattinson, initialement convoité pour ce rôle (mais retenu par le retard pris par The Batman), séduit aussi.
Ce couple fait clairement écho à ceux que l’on pouvait trouver dans les films d’espionnage dans les années 40. Stars at Noon joue clairement sur ces codes, en installant une tension et un suspense. Ajoutez à cela la moiteur du pays, une langueur dans la mise en scène, et une musique jazzy signée Stuart Staples de Tindersticks, et vous aurez une idée du charme qui se dégage de ce film. Sortie : prochainement.
Brigitte Baronnet
La page blanche de Murielle Magellan
SND
Comme un clin d’œil à l’œuvre que le film adapte, La Page blanche a cette bonne idée, jolie et inventive, d’inclure quelques séquences au dessin (idée que l’on retrouve d’ailleurs, sous une forme différente et tout aussi inventive, dans un autre film de la rentrée, Tout le monde aime Jeanne de Cécile Deveaux, qui sortira le 7 septembre). Il s’agit en l’occurrence ici de décors dessinés. “Outre le clin d’œil à la bande dessinée-matrice, cela permet de quitter le réalisme pour se souvenir de la fiction”, souligne la réalisatrice et scénariste Murielle Magellan.
Pierre Deladonchamps et Grégoire Ludig entourent Sara Giraudeau dans cette comédie pleine de fantaisie et de poésie.
Brigitte Baronnet
Rodéo de Lola Quivoron
Les Films du Losange
Un univers bien connu de la réalisatrice Lola Quivoron, qui dès son premier long métrage, frappe fort en nous infiltrant dans le milieu très fermé du rodéo urbain, habité par de jeunes héros jusqu’aux boutistes. Au sein de ce monde très masculin, une jeune femme, Julia, elle aussi adepte du cross bitume, tente de faire sa place coûte que coûte.
Dans la peau de cette héroïne déterminée dont elle partage les pratiques passionnées, l’actrice débutante Julie Ledru est criante de vérité, nous offrant une partition explosive, défiant les stéréotypes. Mise en scène nerveuse, sujet original, cadre au plus près de comédiens non professionnels castés in situ et bluffants : Rodéo est un film féroce et incarné, à ne pas rater.
Laetitia Ratane
Tout le monde aime Jeanne de Céline Devaux
Les Films du Worso
Dans Tout le monde aime Jeanne, premier long-métrage de Céline Devaux présenté à la Semaine de la Critique à Cannes, la comédienne et humoriste incarne une businesswoman surendettée qui va devoir se rendre à Lisbonne pour vendre l’appartement de sa mère disparue un an auparavant. À l’aéroport elle tombe sur Jean, un ancien camarade de lycée fantasque et quelque peu envahissant.
Petit bijou d’inventivité mêlant comédie et animation, Tout le monde aime Jeanne décortique les angoisses d’une femme d’aujourd’hui avec une pointe de mélancolie et beaucoup d’esprit. Le duo Blanche Gardin et Laurent Lafitte fonctionne à merveille et le petit personnage animé, qui catalyse toutes les émotions de l’héroïne, est terriblement attachant. Bref, vous allez forcément aimer Jeanne.
Mégane Choquet
Revoir Paris d’Alice Winocour
Pathé
Après Proxima, avec Eva Green dans le costume d’une astronaute, la cinéaste Alice Winocour s’intéresse au sujet des attentats, dans un film lointainement inspiré du drame du Bataclan. Cette fiction prend le parti fort et passionnant de montrer en premier lieu la question de la mémoire traumatique. En d’autres termes, comment un drame comme celui-là peut agir sur les souvenirs.
Alice Winocour, parisienne d’origine, pose sa caméra pour la première fois à Paris, et montre la ville comme on l’avait rarement vue au cinéma. Elle filme un Paris meurtri, blessé par les attentats, comme un personnage à part entière.
L’héroïne de Revoir Paris reste bien sûr avant tout Virginie Efira, captivante, quasiment de tous les plans de ce long métrage qui lui offre un nouveau rôle beau, dense et complexe. Sa connexion avec Benoit Magimel est belle et fonctionne très bien à l’écran.
Brigitte Baronnet
Les Enfants des autres de Rebecca Zlotowski
Ad Vitam
L’histoire se présente ainsi : Rachel a 40 ans, pas d’enfant. Elle aime sa vie : ses élèves du lycée, ses amis, ses ex, ses cours de guitare. En tombant amoureuse d’Ali, elle s’attache à Leila, sa fille de 4 ans. Elle la borde, la soigne, et l’aime comme la sienne. Mais aimer les enfants des autres, c’est un risque à prendre…
Autour de Virginie Efira, la distribution réunira Roschdy Zem, la jeune Callie Ferreira-Goncalves dans son tout premier rôle au cinéma, et Chiara Mastroianni. Virginie Efira sera également à l’affiche en cette rentrée d’un autre long métrage français, Revoir Paris d’Alice Winocour (sortie le 7 septembre).
Brigitte Baronnet
Un beau matin de Mia Hansen-Love
Les Films du Losange
Sous la direction de Mia Hansen-Love, l’icone Léa Seydoux est méconnaissable, mère normale, femme de devoir et non plus objet de désir, héroïne écartelée par ses émotions contradictoires. A ses côtés, Pascal Greggory est bluffant, dans la peau de cet ex-philosophe diminué, que son cerveau puis son corps ont lâché.
Une histoire de deuil que la réalisatrice a personnellement éprouvé, qui parle aussi de transmission et d’éveil renouvelé. Mention spéciale à Nicole Garcia, dans la peau d’une mère pragmatique, drôle et engagée.
Laetitia Ratane
Riposte féministe de Marie Perennès et Simon Depardon
Séance spéciale engagée à Cannes ! En présence des protagonistes du documentaire, qui ont su animer la projection en applaudissant ou lançant par moments des slogans, le Festival a proposé ce film éclairant, laissant la part belle aux témoignages. En multipliant les mini-portraits de groupes, captant des moments de vie, de militantisme, d’échange, de débats, Riposte féministe veut inviter le spectateur à être au plus près de ces groupes. Le film est coréalisé par Simon Depardon et Marie Perennès.
Brigitte Baronnet
Les Amandiers de Valeria Bruni Tedeschi
Ad Vitam Production – Agat Films et Cie – Bibi Film TV – Arte France Cinéma
Avec son nouveau long métrage, trois ans après Les Estivants, Valeria Bruni Tedeschi nous emporte dans un tourbillon créatif, hommage au théâtre. Un spectacle vivant. Les Amandiers regorge de personnages, une troupe haute en couleur, portée par une magnifique galerie de comédiens, Nadia Tereszkiewicz en tête.
Ca bouillonne, ça vit, ça rit. Art et amour se mêlent. Et la notion de consentement semble totalement absente des esprits… Le film se veut le témoin d’une autre époque, celle des années 80, qui sont aussi celle des “années SIDA”, maladie qui se taille une place dans l’intrigue. Louis Garrel épate dans ce rôle inspiré de Patrice Chéreau, et porte l’une des plus belles scènes du film, un monologue sur la nécessité de jouer quand on est comédien.
Brigitte Baronnet
Annie colère de Blandine Lenoir
On ne peut s’empêcher de penser à l’actualité aux Etats-Unis, où le droit à l’avortement est menacé plus que jamais. Si le sujet est évidemment dur (le film montre des scènes d’avortement, mais avec une approche, à nouveau, intelligente), Blandine Lenoir trouve le bon équilibre entre drame et comédie, dans un film qui fait la part belle à l’amitié, à la sororité, et ce sans exclure les hommes de cette histoire, qui s’adresse à un public large. Il est porté par formidable troupe de comédiennes et comédiens – Laure Calamy en tête.
Brigitte Baronnet
Les pires de Lise Akoka et Romane Gueret
Pyramide Distribution
Les Pires est le premier long métrage de Lise Akoka et Romane Gueret, remarquées avec le court métrage Chasse royale (primé à la Quinzaine des réalisteurs en 2016) et avec la série Tu préfères pour Arte. Les Pires s’inscrit dans la lignée de ces précédents projets, avec à nouveau cette mise en abyme du tournage d’un tournage, invitant les spectateurs dans les coulisses d’une création.
Avec son approche réaliste, caméra en mouvement, le duo de réalisatrices adopte les codes du cinéma social, à l’image du cinéma des frères Dardenne. Il y a beaucoup de vie, des scènes tantôt joyeuses, tantôt plus dramatiques. On s’attache vite à ces personnages et jeunes comédiens qu’elles mettent en lumière. La distribution compte également Johan Heldenbergh, vu notamment dans Alabama Monroe.
Les pires vient de décrocher le Valois de diamant au Festival du film francophone d’Angoulême 2022.
Brigitte Baronnet
Falcon Lake de Charlotte Le Bon
La réalisatrice propose un récit d’apprentissage solaire et délicat avec une vraie singularité. Ici, la mort est partout. Dans les conversations, les blagues, les défis que se donnent les personnages. Elle plane au-dessus de ces héros qui quittent le monde de l’innocence. La morbidité, Charlotte Le Bon la transforme en quelque chose de tendre, comme pour nous réconcilier avec l’idée de la perte, ce sujet encore tabou.
Au cœur de ce film, il y a deux révélations : Joseph Engel – déjà apparu dans L’Homme fidèle de Louis Garrel – et Sarah Montpetit, jeune actrice québécoise. Charlotte Le Bon confirme, quant à elle, son talent.
Thomas Desroches
Les Années Super 8 d’Annie Ernaux et David Ernaux-Biot
Les Fillms Pelleas
La Quinzaine des réalisateurs à Cannes a offert à ses spectateurs une véritable pépite : le premier film réalisé par Annie Ernaux, avec son fils David Ernaux-Briot. Les Années Super 8 donne la sensation d’ouvrir une capsule temporelle, avec ses archives montrant la vie d’une famille il y a 50 ans. La voix et les mots d’Annie Ernaux accompagnent toutes ces images, si intimes, mais à la fois si universelles, témoin d’une époque. On sourit, on est ému. Et pour les lecteurs d’Annie Ernaux, ce documentaire est passionnant car il montre sa vie au moment où elle s’apprêtait à être publiée pour la première fois.
Brigitte Baronnet
La Passagère de Héloïse Pelloquet
Mieux vaut en savoir le moins possible sur cette Passagère avant de venir le découvrir en salles, et se laisser surprendre. Il s’agit d’un premier long métrage (écrit et réalisé par Héloïse Pelloquet, remarquée avec ses courts métrages) à l’écriture très fine, dans un cadre très cinégénique, celui d’une petite île, auprès de travailleurs de la mer.
Pour vous convaincre en quelques mots, disons peut être tout simplement qu’il s’agit d’un des plus beaux rôles de Cécile de France. Le lien qui se crée avec Félix Lefebvre (Eté 85, Suprêmes) est décrit avec beaucoup de justesse.
La Ligne d’Ursula Meier
Bandita Films
Le pitch : Après avoir agressé violemment sa mère, Margaret, 35 ans, doit se soumettre à une mesure stricte d’éloignement en attendant son jugement: elle n’a plus le droit, pour une durée de trois mois, de rentrer en contact avec sa mère, ni de s’approcher à moins de 100 mètres de la maison familiale. Mais cette distance qui la sépare de son foyer ne fait qu’exacerber son désir de se rapprocher des siens. Chaque jour la voit revenir sur cette frontière aussi invisible qu’infranchissable.
La Ligne a pour rôle principal l’actrice et chanteuse belge, Stéphanie Blanchoud, très impressionnante dans ce rôle, et d’une grande justesse. Tout le casting qui l’entoure est impeccable, dont Valeria Bruni Tedeschi, India Hair et Dali Benssalah. À noter également un rôle pour Benjamin Biolay, avec une séquence chantée.
Brigitte Baronnet
Divertimento de Marie-Castille Mention-Schaar
Le Pacte
Le rôle principal est tenu par la révélation de Divines, Oulaya Amamra. Le pitch : À 17 ans, Zahia Ziouani rêve de devenir cheffe d’orchestre. Sa sœur jumelle, Fettouma, violoncelliste professionnelle. Bercées depuis leur plus tendre enfance par la musique symphonique classique, elles souhaitent à leur tour la rendre accessible à tous et dans tous les territoires. Alors comment peut-on accomplir ces rêves si ambitieux en 1995 quand on est une femme, d’origine algérienne et qu’on vient de Seine-Saint-Denis ?
Divertimento nous invite à découvrir le parcours de ces deux femmes déterminées, dans un film laissant la part belle à la musique et à la passion qui les anime.
Brigitte Baronnet
Un petit frère de Léonor Serraille
Diaphana Distribution
Un petit frère prend en quelque sorte la forme d’une fresque romanesque, une forme d’éducation sentimentale et récit d’émancipation, sur les amours et la vie d’une mère de famille ordinaire et ses deux fils.
Un film ample avec Annabelle Lengronne qui impressionne dans ce rôle qui se déroule sur 30 ans. Ahmed Sylla, dans son tout premier rôle dramatique, impressionne de même dans ce registre. Son personnage donne le titre au film, en adoptant son point de vue.
Brigitte Baronnet
Houria de Mounia Meddour
Le Pacte
Houria – liberté en arabe – résonne comme un cri pour célébrer la vie. Le film met en scène le parcours d’une héroïne qui doit se battre pour retrouver son intégrité. Pour cela, Mounia Meddour utilise l’art – la danse – comme une étape fondamentale vers la guérison. L’esprit de sororité qui règne entre les différents personnages occupe une place centrale dans Houria. Connaître, comprendre et aider les autres pour mieux s’élever soi-même.
Comme dans Papicha, la réalisatrice n’oublie pas la dimension politique de son récit. Ici, elle lève le voile sur le sujet délicat des terroristes repentis. Dans le rôle-titre, on retrouve Lyna Khoudri, l’étincelle du film. Elle est à la fois douce et féroce, sombre et lumineuse. Impossible de ne pas parler des scènes de danse – chorégraphiées par Hajiba Fahmy -, véritables parenthèses d’espoir, qui viennent sublimer ce groupe de survivantes. Des héroïnes que l’on aimerait voir plus souvent.
Thomas Desroches
Noémie dit oui de Geneviève Albert
Wayna Pitch
La cinéaste s’empare avec brio du sujet tabou et très actuel de la prostitution juvénile. Elle situe son récit dans la ville de Montréal à un moment précis : le festival de la Formule 1. Cet événement multiplie par 4 le tourisme sexuel au Canada. Difficile, le film ne tombe néanmoins jamais dans le voyeurisme et l’exploitation de la misère sociale. Geneviève Albert pose un regard tendre et protecteur sur son personnage principal, brillamment interprété par Kelly Depeault.
L’actrice défend un rôle physiquement et psychologiquement exigeant. Les scènes explicites sont quant à elles filmées avec un vrai point de vue – porté davantage sur les clients – pour éviter toute sexualisation déplacée. Noémie dit oui est un film âpre, susceptible de déranger, mais dont la nécessité est incontestable. L’un des chocs du festival.
Prix : Valois des étudiants francophones (décerné par le jury des étudiants francophones) et une Mention spéciale pour l’actrice Kelly Depeault.
Thomas Desroches